Historical & Mythological Short Fiction

Ink of Ages Fiction Prize

World History Encyclopedia's international historical and mythological short story contest

Troisième prix 2025 

Richard Garcka

Richard a pris sa retraite d'un emploi de bureau il y a quelques années et s'est mis à écrire, en suivant des cours de création littéraire à Guildford, en Angleterre. Il s'intéresse à la fiction historique et un peu au genre fantasy, et plusieurs de ses nouvelles ont été publiées. Il est particulièrement fasciné par les sentiers moins battus de l'histoire ancienne. Ses histoires tendent à aborder des thèmes qui réchauffent le cœur en ces temps quelque peu troublés.


 « Éclat de lumière » s'inspire de la construction du phare d'Alexandrie.



par Richard Garcka, traduit par François Anastacio

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Éclat de lumière


Les rayons du soleil matinal surgirent de derrière les tentures de la fenêtre, se faufilèrent silencieusement sur le sol tel un voleur, puis se posèrent sur son oreiller. Sostrate gémit et tourna la tête loin de la lumière. Il était couché sur le dos, ayant passé trop de temps à regarder le plafond, incapable de bouger. Despina s'était levée depuis un certain temps et l'arôme du pain du matin sortant du four exécutait une danse envoûtante dans la maison.


Qu'est-ce qui me prend ? Suis-je en proie à une maladie ? Ou peut-être ai-je perdu toute mon énergie, volée par des esprits malveillants ? En tant qu'homme de science, il avait soif d'explications. Sa vie était régie par des causes et des effets, des problèmes et des solutions, des énigmes à résoudre. Pourtant, il était là, incapable de lever le moindre bras. C'était comme si les lois de la nature s'étaient assises sur sa poitrine pour se moquer de sa compréhension ordonnée du monde.


« Sostrate, si tu restes là plus longtemps, tu deviendras vert avant que ce pain ne le soit. Despina était entrée dans la pièce et se tenait au-dessus de lui, les mains sur les hanches. Sa voix était grondeuse, mais il vit de l'inquiétude dans ses yeux sombres, ses sourcils froncés et ses cheveux de lin ébouriffés.


« Je n'arrive pas à... donne-moi encore un peu de temps ».


Elle s'assit sur le coin du lit et prit sa main dans la sienne, la massant doucement avec son pouce.


« Tu devrais t’éloigner de cette maudite commande. Elle ne t'a apporté que des ennuis. Travailler à toutes les heures que les dieux envoient. Des nuits agitées. Tu ne peux même pas faire le moindre effort pour manger. Regarde-toi. Tu es la moitié de l'homme que j'ai épousé ! Tout ça pour construire un phare infernal dont personne ne veut. »


Quelque chose dans ses paroles eut l'effet escompté. Sostrate se redressa sur ses coudes. « Ce n'est pas infernal. Ce sera un phare pour le peuple. Un symbole de la prospérité de notre nation. Un signal pour tous les voyageurs qui arrivent sur ces côtes qu'ils sont les bienvenus dans notre pays... »


Ses traits se détendirent et Despina rejeta sa main sur le lit avec un sourire narquois.


« Eh bien, le voyageur que tu es ne sera plus le bienvenu dans mon lit, à moins qu'il ne déplace son maigre postérieur tout de suite. »


Elle sortit de la chambre. Sostrate se sentit quelque peu soulagé de son poids et fut en mesure d'ordonner à ses jambes de se mettre en mouvement. Tout au long de l'année écoulée, sa femme avait été salvatrice. Elle avait bien sûr raison. Il était conscient que son travail l'affectait. Ce n'était pas comme s'il avait quelqu'un pour partager la charge. Dans les premiers temps, les grands et les petits d'Alexandrie ne lui avaient offert que des mots de soutien. Vous n'êtes pas seul dans cette affaire, proclamaient-ils. Nous serons à vos côtés à chaque étape. De l'ordre des architectes aux chefs des guildes commerciales, en passant par la Cour royale elle-même, tous s'étaient engagés à soutenir le projet. Tous s’étaient engagés à apporter leur soutien.


Il se leva du lit et étira ses bras en marmonnant un hah dérisoire. Le soutien supposé s'avéra quelque peu insaisissable. Peut-être était-ce dû à l'ampleur du projet. Peut-être qu'une tâche d'une telle ampleur nécessitait toujours un minimum de chamailleries. Non, ce mot ne lui rendait pas justice, pensait-il : connivence, mésentente, luttes intestines. Ces grippe-sous perfides étaient rapidement devenus vindicatifs, obstructifs, insupportables. .... Il s'arrêta. A sa manière inimitable, Despina lui avait rappelé la fierté qu'il ressentait face à cette entreprise. Il se leva et décida de rester positif.


Après avoir rejoint sa femme pour le petit déjeuner, s'être excusé de sa léthargie et lui avoir promis de se rattraper, Sostrate se sentait prêt à affronter les dieux en personne.


« Je veux que tu rentres tôt, tu m'entends ? Et n'oublie pas de parler aux maçons - nous avons besoin de réparer le toit et le crépis. Comment peut-on te faire confiance pour construire ton phare pour le peuple si ta propre maison s'écroule autour de toi ? »


« Oui, Despina.


« Et n'oublie pas de manger quelque chose », dit-elle alors qu'il quittait la maison, “sinon je pourrais décider de t'emmener au marché et de t'échanger contre un mari qui a plus de chaire sur les os”.


 « Je t'aime aussi, ma chérie », lui répondit-il avec un élan heureux et confiant.


Sa maison se trouvait à la périphérie d'Alexandrie. En marchant sur le sentier qui longeait le rivage, il étudia la bande de terre lointaine qui formait un bras tendu vers le port, comme pour inviter les navires à se mettre à l'abri. Au-delà se trouvait le petit affleurement de Pharos où devait être construit le phare, qui serait un jour relié par une chaussée. Le roi Ptolémée avait demandé un monument qui ferait l'admiration du monde. Quelque chose qui durerait de nombreuses vies et serait une merveille pour tous. Sostrate avait relevé le défi et proposé un édifice unique en son genre.


Trop ambitieux, tel était le mot le plus souvent employé lorsque les critiques s'étaient retournées contre lui. Ses collègues architectes, tapotant les plans de leurs doigts noueux, affirmaient qu'un tel édifice ne tiendrait jamais debout, condamné à s'effondrer à la première tempête. Les corps de métier, en hochant la tête, étaient convaincus que le sable nécessaire à la construction de l'édifice n'était pas suffisant. Les corporations professionnelles, qui hochaient la tête, étaient convaincues que le grès et le calcaire nécessaires ne pourraient jamais être extraits en quantité suffisante. Les gardiens du Trésor royal, eux-mêmes drapés dans les plus beaux vêtements et bijoux, étaient horrifiés par le coût. Même les prêtres, qui feuilletaient fébrilement des parchemins poussiéreux, craignaient que les dieux ne soient offensés par la construction d'un édifice public surplombant leurs temples.


« Soyez tous maudits ! » cria Sostrate à personne en particulier, bien qu'un héron tout proche ait levé les yeux en signe d'indignation apparente. S'il était honnête, il aurait été plus enclin à combattre les signes avant-coureurs du malheur si le roi n'avait pas insisté pour lui refuser tout crédit pour l'œuvre achevée. Bien sûr, il admirait Ptolémée pour sa vision. Il n'avait pas dû être facile pour un souverain de succéder à Alexandre le Grand et le nouveau roi devait laisser sa marque. Sostrate avait convaincu Ptolémée que la construction du phare était réalisable à condition d'obtenir les autorisations royales nécessaires.


« Oui... oui... vous avez mes permissions », avait marmonné Ptolémée, agitant la main avec dédain comme si Sostrate n'avait besoin de rien d'autre. « Assurez-vous simplement que la structure porte le nom de votre roi et aucun autre ! Je ne veux voir aucun hommage aux dieux ni à ce mégalomane d'Alexandre. Ni à aucun fonctionnaire. » Il regarda Sostrate avec insistance.


Despina était furieuse que son nom n'apparaisse pas sur le bâtiment.


« Tu consacres la moitié de ta vie à cette... cette... », avait-elle crié en montrant l'île de Pharos, « une folie, sans aucun hommage ? Aucune reconnaissance du sacrifice que tu fais ? Aucune reconnaissance du fait que c'est grâce à ta conception, à ta persévérance, que tu y parviendras ? Ce pompeux, ce dominateur... » et ainsi de suite. Sostrate ne se considérait pas comme un vaniteux, mais le fait que le concepteur du phare, en supposant qu'il soit un jour achevé, soit relégué dans l'anonymat, l'exaspérait. Les acolytes du roi Ptolémée ne manqueraient pas de repérer toute tentative d'inscription de son nom, aussi subtile soit-elle.


La journée présentait les défis habituels. La guilde des bâtisseurs était représentée par des hommes séniles à la barbe blanche ondulant dans la brise comme l'écume sur les vagues de la Méditerranée. Ils avaient affirmé pendant plusieurs semaines que les matériaux de construction nécessaires ne pourraient jamais être produits à temps, mais ils admettaient maintenant soudainement que c'était possible. Ce n'était pas une surprise pour Sostrate, qui avait lui-même visité le Ouadi Hammamat et parlé aux carriers qui étaient plus qu'heureux d'accepter la commande. Le retard avait été causé par les chefs de la Guilde eux-mêmes, qui espéraient faire durer les négociations pour se remplir les poches. Sostrate avait finalement convaincu le Trésor Royal d'intervenir pour freiner leur avidité.


Lorsqu'il rentra à la maison, il était déjà tard. Il sentit que Despina s'apprêtait à le réprimander, jusqu'à ce qu'elle ne voie à quel point il avait l'air fatigué. Il s'affaissa sur quelques coussins et tendit les bras. Despina secoua la tête et s'enfonça à côté de lui. Sentir son corps près du sien rendait la plus misérable des journées, supportable.


« Je suis le mari le plus inutile qui soit. »


« Oui, c'est vrai, mais heureusement les dieux t'ont béni en te donnant une femme attentionnée. »


« C'est vrai. » Il fit le tour de la pièce. « Notre maison est-elle vraiment sur le point de nous tomber sur la tête ? »


« Probablement. Mais pendant que tu étais dehors toute la journée à essayer de construire ton phare pour les gens, j'ai fait mes propres réparations au toit et au crépis. Nous avons encore besoin du maçon, mais cela devrait tenir pour l'instant. »


« Alors, je suis toujours le bienvenu dans ton lit ? » Il la serra dans ses bras.


« Tant que tu es prêt à risquer qu'un morceau de plâtre te tombe sur la tête. Tu te demanderas alors pourquoi tu n'as pas écouté ta femme dès le départ. »


Sostrate visualisa une pluie de plâtre lui tombant dessus au moment le plus inopportun, pour révéler le ciel nocturne au-dessus. En réalité, il faisait confiance au travail de Despina pour durer plus longtemps que celui de n'importe quel maçon. Il fixa le plafond ; les rouages commencèrent à tourner dans son esprit. Des idées de surfaces et d'intérieurs, des façades cachant des secrets, des problèmes et des solutions.


« Encore une journée frustrante, mon mari ?


« Une autre parmi tant d'autres. Mais je pense avoir une idée pour au moins alléger un fardeau... »


« Merveilleux. Raconte-moi tout demain matin. »


Sostrate sourit, la serra fort dans ses bras et, pour la première fois depuis longtemps, crut que son phare pourrait bien porter son nom après tout.


***

Sostrate acheva le phare d'Alexandrie en douze ans et il resta l'un des plus hauts bâtiments du monde pendant de nombreux siècles, jusqu'à ce qu'il ne soit gravement endommagé par des tremblements de terre successifs, plus de mille ans plus tard. Le concepteur était Sostrate de Cnide et un historien du IIe siècle rapporta que son identité avait été inscrite sous un plâtre portant une dédicace au roi Ptolémée. Lorsque le plâtre finit par se dégrader, le nom de Sostrate resta visible dans la pierre.



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